Harar, 9 décembre 1881
Je serais heureux de vous voir personnellement à Aden.
Rimbaud.
Harar, 3 mai 1888
Mon cher Monsieur Bardey,
Je viens d'arriver au Harar. Les pluies sont extraordinairement fortes, cette année, et j'ai fait mon voyage par une succession de
cyclones, mais les pluies des pays bas vont cesser dans deux mois.
Hier soir est arrivée à Aden la nouvelle que Berberah venait de brûler entièrement. La ville comptant six mille habitants, n'était
formée que de paillotis se joignant tous, ou n'ayant entre eux que d'étroits et sinueux passages. Beaucoup de personnes seraient brûlées.
A Berberah, comme à Zeïlah, les Somalis n'emploient jamais la pierre dans leurs constructions. Il leur faudrait l'aller cher cher trop
loin, et puis leur insouciance, leur dédain du confort et leurs habitudes nomades s'y opposent. Aussi les villes de littoral Somali
brûlent-elles très souvent et presque toujours totalement.
A Berberah, quelques maisons faites de madrépores et de coraux pêchés au large, maisons appartenant à des Arabes, à des Indiens ou à
des Juifs, ont pu résister aux flammes. Le quartier du gouvernement, situé à un kilomètre au moins de la ville indigène, est intact.
Construit à grands frais par les égyptiens, il est occupé aujourd'hui par les Anglais. Berberah sera vite reconstruit, comme par le
passé, pour brûler encore avant peu.
M. Robecci, ingénieur italien, va partir pour son premier voyage au Harar. Il se propose de traverser ensuite l'Ogaden.
- Lettre ayant appartenu à Alfred Bardey, publiée dans "Études rimbaldiennes I", revue des Lettres Modernes, 1968.
- Source : "Rimbaud Oeuvres Complètes", introduction, chronologie, édition, notes de Pierre Brunel. Le Livre de Poche, La Pochothèque, 1999.
