Fêtes de la Patience
Chanson de la plus Haute Tour
Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent.
Je me suis dit : laisse,
Et qu'on ne te voie :
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t'arrête,
Auguste retraite.
J'ai tant fait patience
Qu'a jamais j'oublie ;
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties.
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.
Ainsi la Prairie
À l'oubli livrée,
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.
Ah ! Mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n'a que l'image
De la Notre-Dame !
Est-ce que l'on prie
La Vierge Marie ?
Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse.
J'ai perdu ma vie.
Ah ! Que le temps vienne
Où les coeurs s'éprennent !
Mai 1872
|
- Texte du fac-similé Messein. Avant de partir en Belgique,
Rimbaud offrit ce manuscrit à Jean Richepin, qui le prêta à l'éditeur Albert Messein en 1919 pour
la publication de ses fac-similés.
- Une autre version est parue dans Une saison en enfer (Alchimie du verbe).
- Première publication dans La Vogue n° 7, 7-14 juin 1886 (d'après le manuscrit de Verlaine, avec quelques variantes).