Mère des fils d'Énée, ô délices des Dieux, br>Délices des mortels, sous les astres des cieux, br>Vénus, tu peuples tout : l'onde où court le navire, br>Le sol fécond : par toi tout être qui respire br>Germe, se dresse, et voit le soleil lumineux ! br>Tu parais... A l'aspect de ton front radieux br>Disparaissent les vents et les sombres nuages : br>L'Océan te sourit ; fertile en beaux ouvrages, br>La Terre étend les fleurs suaves sous tes pieds ; br>Le jour brille plus pur sous les cieux azurés ! br>Dès qu'Avril reparaît, et, qu'enflé de jeunesse, br>Prêt à porter à tous une douce tendresse, br>Le souffle du zéphyr a forcé sa prison, br>Le peuple aérien annonce ta saison : br>L'oiseau charmé subit ton pouvoir, ô Déesse ; br>Le sauvage troupeau bondit dans l'herbe épaisse, br>Et fend l'onde à la nage, et tout être vivant, br>À ta grâce enchaîné, brûle en te poursuivant ! br>C'est toi qui, par les mers, les torrents, les montagnes, br>Les bois peuplés de nids et les vertes campagnes, br>Versant au cœur de tous l'amour cher et puissant, br>Les portes d'âge en âge à propager leur sang ! br>Le monde ne connaît, Vénus, que ton empire ! br>Rien ne pourrait sans toi se lever vers le jour : br>Nul n'inspire sans toi, ni ne ressent d'amour ! br>À ton divin concours dans mon œuvre j'aspire !... A. Rimbaud Æneadum genitrix, hominum divumque voluptas,
Lucrèce |
- Poème de Rimbaud tiré de Lucrèce. Rimbaud, Oeuvres complètes, Classiques modernes, 1999.
- Publié dans le Moniteur de l'enseignement secondaire, spécial et classique. Bulletin officiel de l'académie de Douai, IIe année, 8, 15 avril 1870.