Compositions latines
« Jamque novus »

Le sommeil de l'Enfant Jésus - Garofalo Benvenuto (1481-1559), Tisi (dit)

Jamque novus primam lucem consumpserat annus,
Jucundam pueris lucem, longumque petitam,
Oblitamque brevi : risu somnoque sepultus,
Languidulus tacuit puer ; illum lectulus ambit
Plumeus, et circa crepitacula garrula terra,
Illorumque memor, felicia somnia carpit,
Donaque caelicolum, matris post dona, receptat.
Os hiat arridens, et semadaperta videntur
Labra vocare Deum : juxta caput angelus adstat
Pronus, et innocui languentia murmura cordis
Captat, et itse suâ pendens ab imagine, vultus
Aethereos contemplatur ; frontisque serenae
Gaudia miratus, miratus gaudia mentis,
Intactumque Notis florem :

« Puer aemule nobis,
I, mecum conscende polos, caelestia regna
Ingredere ; in somnis conspecta palatia dignus
Incole ; caelestem tellus ne claudat alumnum !
Nulli tuta fides : numquam sincera remulcent
Gaudia mortales ; ex ipso floris odore
Surgit amari aliquid, commotaque corda juvantur
Tristi laetitia ; numquam sine nube voluptas
Gaudet et in dubio sublucet lacryma risu.
Quid ? Frons pura tibi vita marceret amara,
Curaque caeruleos lacrymis turbaret ocellos,
Atque rosas vultus depelleret umbra cupressi ?
Non ita : Divinas mecum penetrabis in oras,
Caelicolumque tuam vocem concentibus addes,
Subjectosque homines, hominumque tuebere fluctus.
I : tibi perrumpit vitalia vincula Numen.
At non lugubri veletur tegmine mater :
Haud alio visu feretrum ac cunabula cernat ;
Triste supercilium pellat, nec funera vultum
Constristent : manibus potius det lilia plenis :
Ultima namque dies puro pulcherrima mansit. »

Vix ea : purpureo pennam levis admovet ori,
Demetit ignarum, demessique excipit alis
Caeruleis animam, superis et sedibus infert
Molli remigio : nunc tantum lectulus artus
Servat pallidulos, quibus haud sua gratia cessit,
Sed non almus alit flatus, vitamque ministrat ;
Interiit... Sed adhuc redolentibus oscula labris
Exspirant risus, et matris nomen oberrat,
Donaque nascentis moriens reminiscitur anni.
Clausa putes placido languentia lumina somno ;
Sed sopor ille, novo plus quam mortalis honore,
Nescio quo cingit caelesti lumine frontem,
Nec terrae sobolem at caeli testatur alumnum.

Oh ! quanto genitrix luctu deplanxit ademptum,
Et carum inspersit, fletu manante, sepulcrum !
At quoties dulci declinat lumina somno,
Parvulus affulget, rosco de limine caeli,
Angelus, et dulcem gaudet vocitare parentem.
Subridet subridenti : mox, aere lapsus,
Attonitam niveis matrem circumvolat alis,
Illaque divinis connectit labra labellis.

Rimbaud Arthur,
Né le 20 octobre 1854, à Charleville, Certifié conforme : Le professeur, P. Duprez.

« Et déjà la nouvelle année... »

Et déjà la nouvelle année avait accompli son premier jour,
jour bien agréable pour les enfants, si longtemps attendu
et si vite oublié ! Enseveli dans un sommeil souriant,
l'enfant assoupi se tut... Il est couché dans son berceau
de plumes ; son hochet sonore gît à terre près de lui,
il se le rappelle, et goûte un sommeil heureux,
et, après les cadeaux de sa mère, il reçoit ceux des habitants du Ciel.
Sa bouche souriante s'entrouvre ; ses lèvres à demi ouvertes
paraissent appeler Dieu. Près de sa tête un Ange se tient
incliné vers lui, il épie les faibles murmures d'un cœur
innocent et, suspendu lui-même à son image,
contemple ce visage céleste ; il admire les joies
de ce front serein, il admire les joies de son âme,
et cette fleur que n'a point touchée le vent du sud :

" Enfant qui me ressemble,
Viens, monte au ciel avec moi ! Entre dans le royaume
céleste ; habite le palais que tu as vu dans ton sommeil,
tu en es digne ! Que la terre ne retienne pas un enfant du ciel !
Là, on ne peut vraiment se fier à personne ; les mortels ne caressent
jamais de bonheur sincère ; de l'odeur même de la fleur
surgit quelque chose d'amer, et les cœurs agités ne connaissent
que des joies tristes ; jamais le plaisir n'y réjouit
sans nuages, et une larme luit dans le rire ambigu.
Eh quoi ? ton front pur serait flétri par la vie amère,
et les soucis troubleraient de larmes tes yeux d'azur ?
et l'ombre des cyprès chasserait les roses de ton visage ?
Non, non ! tu entreras avec moi dans les régions divines,
et tu joindras ta voix au concert des habitants du Ciel.
Tu veilleras sur les hommes restés ici-bas, et sur leurs agitations.
Viens ! une Divinité rompt les liens qui t'attachent à la vie.
Que ta mère ne se couvre pas de voiles de deuil !
Qu'elle ne voie pas ta bière d'un autre œil que ton berceau !
Qu'elle bannisse le sourcil triste, et que tes funérailles n'assombrissent pas
son visage, mais qu'elle leur donne plutôt des lys à pleines mains :
car pour un être pur son dernier jour reste le plus beau ! "

Aussitôt il approche son aile délicatement de sa bouche rosée,
le moissonne, sans qu'il s'en doute, et reçoit sur ses ailes d'azur
l'âme de l'enfant moissonné, et l'emporte aux régions supérieures
en battant doucement des ailes... Maintenant le berceau ne garde plus
que des membres pâlis, qui ont encore leur beauté,
mais le souffle vivifiant ne les nourrit plus et ne leur donne plus la vie.
Il est mort !... Mais sur ses lèvres que parfument encore les baisers
le rire expire et le nom de sa mère rôde,
et en mourant il se rappelle les cadeaux de ce premier jour de l'an.
On croirait ses yeux appesantis clos par un sommeil tranquille.
Mais ce sommeil, plus que d'un nouvel honneur mortel,
je ne sais de quelle céleste lumière il ceint son front ;
il atteste que ce n'est plus un enfant de la terre, mais un fils du ciel.

Oh ! de quelles larmes sa mère pleure son enfant enlevé !
et comme elle baigne de pleurs ruisselants sa tombe chère !
Mais chaque fois qu'elle ferme les yeux pour goûter le doux sommeil,
un petit Ange lui apparaît, du seuil rose
du ciel, et se plaît à l'appeler doucement : Maman !...
Elle sourit à son sourire... Bientôt, glissant dans l'air,
il vole, avec ses ailes de neige, autour de la mère émerveillée
et joint aux lèvres maternelles ses lèvres divines...

Rimbaud Arthur,
Né le 20 octobre 1854, à Charleville, Certifié conforme : Le professeur, P. Duprez.

- Traduction de Jules Mouquet. Rimbaud, Oeuvres complètes, Classiques modernes, 1999.
- Inspiré du poème L'Ange et l'enfant de J. Reboul.
- Publié dans Le Moniteur de l'enseignement secondaire, spécial et classique. Bulletin officiel de l'Académie de Douai, 1ère année, 11, 1er juin 1869.



Hit-Parade