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Larme

Loin des oiseaux, des troupeaux, des villageoises,
Je buvais, accroupi dans quelque bruyère
Entourée de tendres bois de noisetiers,
Par un brouillard d'après-midi tiède et vert.

Que pouvais-je boire dans cette jeune Oise,
Ormeaux sans voix, gazon sans fleurs, ciel couvert.
Que tirais-je à la gourde de colocase ?
Quelque liqueur d'or, fade et qui fait suer

Tel, j'eusse été mauvaise enseigne d'auberge.
Puis l'orage changea le ciel, jusqu'au soir.
Ce furent des pays noirs, des lacs, des perches,
Des colonnades sous la nuit bleue, des gares.

L'eau des bois se perdait sur des sables vierges
Le vent, du ciel, jetait des glaçons aux mares...
Or ! tel qu'un pêcheur d'or ou de coquillages,
Dire que je n'ai pas eu souci de boire !

Mai 1872

- Texte du fac-similé Messein. Autographe donné par Arthur à Jean-Louis Forain, passé dans la collection Louis Barthou, puis dans la collection Pierre Bérès en 1935.
- Il existe une autre copie que Rimbaud écrivit pour Verlaine, postérieure à la version ci-dessus, mais antérieure à celle parue dans Une saison en enfer (Alchimie du verbe). Elle a été publiée la première fois dans La Vogue, 21 juin 1886.

Écouter le poème

- Larme, dit par Rémi Duhart. Extrait de son CD "Etudes Néantes" paru en 2006 et composé des poèmes de Rimbaud des années 1872 (Source : Editions Tiphaine).

English version

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