Le Mal.
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu'une folie épouvantable, broie
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
- Pauvres morts dans l'été, dans l'herbe, dans ta joie,
Nature, ô toi qui fis ces hommes saintement !... -
- Il est un Dieu qui rit aux nappes damassées
Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or ;
Qui dans le bercement des hosanna s'endort,
Et se réveille quand des mères, ramassées
Dans l'angoisse et pleurant sous leur vieux bonnet noir,
Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !
Arthur Rimbaud
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- Texte du recueil confié à Paul Demeny, fac-similé Messein.
- Première publication dans Le Reliquaire, éditeur Genonceaux, novembre 1891.