Derniers Vers
Michel et Christine

Zut alors, si le soleil quitte ces bords !
Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.
Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,
L'orage d'abord jette ses larges gouttes.

O cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,
Des aqueducs, des bruyères amaigries,
Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons
Sont à la toilette rouge de l'orage !

Chien noir, brun pasteur dont le manteau s'engouffre,
Fuyez l'heure des éclairs supérieurs ;
Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre,
Tâchez de descendre à des retraits meilleurs.

Mais moi, Seigneur ! voici que mon Esprit vole,
Après les cieux glacés de rouge, sous les
Nuages célestes qui courent et volent
Sur cent Solognes longues comme un railway.

Voilà mille loups, mille graines sauvages
Qu'emporte, non sans aimer les liserons,
Cette religieuse après-midi d'orage
Sur l'Europe ancienne où cent hordes iront !

Après, le clair de lune ! partout la lande,
Rougissant leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers
Chevauchent lentement leurs pâles coursiers !
Les cailloux sonnent sous cette fière bande !

- Et verrai-je le bois jaune et le val clair,
L'épouse aux yeux bleus, l'homme au front rouge, - ô Gaule
Et le blanc Agneau pascal, à leurs pieds chers,
- Michel et Christine, - et Christ ! - fin de l'Idylle.

A Rimb.

- Texte de l'autographe ayant appartenu à Verlaine, aujourd'hui dans la collection Bérès.
- Première publication dans la Vogue n° 7, 7 juin 1886.

Écouter le poème

- Michel et Christine, dit par Rémi Duhart. Extrait de son CD "Etudes Néantes" paru en 2006 et composé des poèmes de Rimbaud des années 1872 (Source : Editions Tiphaine).

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