En ce temps-là, Jésus habitait Nazareth.
L'enfant croissait en vertu, comme il croissait en âge.
Un matin, quand les toits du village se mirent à rosir,
il sortit de son lit, alors que tout était en proie au sommeil,
pour que Joseph à son réveil trouvât le travail terminé.
Déjà, penché sur l'ouvrage commencé, et le visage serein,
poussant et retirant une grande scie,
il avait coupé plusieurs planches de son bras enfantin.
Au loin apparaissait le soleil brillant, sur les hautes montagnes,
et son rayon d'argent entrait par les humbles fenêtres...
Voici que les bouviers mènent aux pâturages leurs troupeaux,
ils admirent à l'envi, en passant, le jeune ouvrier
et les bruits du travail matinal.
"Qui est cet enfant, disent-ils ! Son visage montre
une gravité mêlée de beauté ; la force jaillit de son bras.
Ce jeune ouvrier travaille le cèdre avec art, comme un ouvrier consommé ;
et jadis Hiram ne travaillait pas avec plus d'ardeur
quand, en présence de Salomon, il coupait de ses mains habiles et robustes
les grands cèdres et les poutres du temple.
Pourtant le corps de cet enfant se courbe plus souple
qu'un frêle roseau ; et sa hache, droite, atteindrait son épaule. »
Or, sa mère, entendant grincer la lame de la scie,
avait quitté son lit, et entrant doucement, en silence,
elle aperçoit, inquiète, I'enfant peinant dur
et manoeuvrant de grandes planches... Les lèvres serrées,
elle regardait, et tandis qu'elle l'embrasse d'un regard
serein, des paroles inarticulées tremblaient sur ses lèvres.
Le rire brillait dans ses larmes... Mais tout à coup la scie
se brise et blesse les doigts de l'enfant qui ne s'y attendait pas.
Sa robe blanche est tachée d'un sang pourpre,
un léger cri sort de sa bouche... Apercevant soudain
sa mère, il cache ses doigts rougis sous son vêtement ;
et, faisant semblant de sourire, il salue sa mère d'une parole.
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Mais celle-ci, se jetant aux genoux de son fils, caressait,
hélas ! ses doigts dans ses doigts et baisait ses tendres mains
en gémissant fort et en mouillant son visage de grosses larmes.
Mais l'enfant, sans s'émouvoir : « Pourquoi pleures-tu, mère ignorante !
Parce que le bout de la scie tranchante a effleuré mon doigt !
Le temps n'est pas encore venu où il te convienne de pleurer ! »
Il reprit alors son ouvrage commencé ; et sa mère en silence
et toute pâle, tourne son blanc visage à terre,
réfléchissant beaucoup, et de nouveau portant sur son fils
ses yeux tristes : « Grand Dieu, que ta sainte volonté soit faite ! »
A. Rimbaud
Certifié conforme : Le professeur, G. Izambard.
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